Formation fédérale: un mois pour éviter les élections

Alors que le roi poursuit son carrousel de consultations – il rencontre les libéraux et les écologistes ce mardi -, chaque président de parti défend sa ligne de conduite, faisant porter le poids de l’échec sur les épaules de ses collègues. Un peu plus de 30 jours nous séparent d’un processus qui nous emmènerait vers des élections.

Le 17 septembre prochain, la Première ministre Sophie Wilmès (MR) pourrait redemander la confiance du parlement. Mais la prolongation d’un gouvernement minoritaire soutenu depuis l’opposition n’aura sans doute pas lieu. Juridiquement, elle pourrait rester en place, mais politiquement, c’est plus compliqué.

Voilà plus de 600 jours que n’avons pas de gouvernement de plein exercice (chute du gouvernement Michel en décembre 2018), quoiqu’en dise Georges-Louis Bouchez, président du MR, sur La Première ce matin.

Pour expliquer l’échec de la dernière tentative – la coalition autour du PS et de la N-VA – chacun y va de ses bons mots. Bart De Wever (N-VA) regrette sur Twitter ‘le manque de courage’ alors qu’il ‘ne manquait qu’un seul parti pour avoir un gouvernement majoritaire de plein exercice’. Le président de la N-VA est particulièrement remonté contre l’Open VLD qui est resté scotché au MR, dont il ne voulait plus.

Magnette et De Wever ont-ils jeté l’éponge trop tôt ?

Le message de Paul Magnette est plus contradictoire. Sur la RTBF et RTL-TVi, le président socialiste affirme que ‘cela ne sert à rien de s’acharner sur une piste qui n’a pas de chance de réussite’. Tout en appelant chaque parti à se montrer constructif: ‘Si chacun pouvait faire un peu d’efforts, faire en sorte d’être constructif, il est encore possible – j’en suis convaincu – de trouver une solution dans les trois semaines qui viennent, avant la rentrée parlementaire de la mi-septembre.’

Pour Joachim Coens, le président du CD&V, parti qui a intégré la bulle de 5, le duo De Wever-Magnette a rendu sa démission trop tôt: ‘Ils ont dit de leur donner 50 jours et ils sont bloqués après 25. Je pense qu’il faut faire encore un effort pour pouvoir former une majorité’, a-t-til indiqué lundi soir dans Terzake.

Comment alors expliquer cet échec, pourquoi avoir jeté l’éponge si tôt ? Pour Georges-Louis Bouchez, c’est la faute à la note PS-N-VA, ‘qui n’évoluait plus d’une virgule’. Pour les libéraux, le chapitre institutionnel était tout simplement imbuvable. Magnette rétorque que ce qu’il a lu dans la presse à ce propos était juste ‘des rumeurs incroyables’. Quant aux écologistes, ‘ils n’ont jamais vraiment voulu franchir le pas’, explique le socialiste. La prolongation des centrales nucléaires au-delà de 2025 était une ligne rouge pour eux, entend-on. Paul Magnette justifie aussi l’échec des négociations par les trop grandes exigences des libéraux qui remettaient en cause les mesures sociales concédées aux socialistes par la N-VA.

À 6 et pas à 7

Bref, chacun y va de sa vérité. Une phrase du président Georges-Louis Bouchez nous interpelle toutefois quelque peu ce matin sur la Première: ‘Il y a une chose qu’on a pas encore essayée : discuter du fond.’ Mais, pourquoi donc cette note pose-t-elle tant de problèmes si les sujets n’ont encore pas été approfondis ? Pourquoi s’inquiéter à outrance du volet institutionnel alors qu’une réforme de l’État n’est pas possible avant de nouvelles élections (les articles ne sont pas ouverts à révision) ? Pourquoi estime-t-on que la note ne peut pas évoluer si on ne discute pas de fond ?

Pour une raison très simple: avant de parler de fond, le problème est politique. Dans une coalition, chacun se veut non seulement nécessaire, mais aussi indispensable. De ce fait, chaque parti se sent respecté, car il sait qu’il peut faire exploser la coalition à tout moment. Joachim Coens ne disait pas autre chose hier soir dans Terzake: ‘À six partenaires, tout le monde est nécessaire, ce qui permet à certaines personnes de se sentir mieux.’ Au-delà des différences de fond, bien réelles, c’est la composition de la coalition qui bloque la formation d’un gouvernement fédéral.

Et maintenant ?

Après son tour de consultations, le roi pourrait utiliser une bonne vieille recette: l’utilisation d’un démineur. La Libre évoque le retour possible d’Herman Van Rompuy, toujours proche du Palais en cas de crise. Pour beaucoup, et on le lit aussi entre les lignes des présidents de parti, la coalition N-VA/PS n’est pas tout à fait morte.

Sophie Wilmes (MR)
Isopix

D’autres suggèrent de mettre sur le devant de la scène un.e libéral.e et un.e écologiste. Après tout, c’est eux qui ont refusé la coalition actuelle. À eux de prendre leurs responsabilités. Mais ça peut poser deux soucis : le rejet de la définitif de la N-VA qui alors ne se privera pas pour descendre en flèche la maison Belgique. Ensuite, cela acte une sorte d’alliance entre les Verts et les Bleus, alors même que l’Open VLD et son président Lachaert ont toujours montré une certaine réticence pour ce projet arc-en-ciel. L’heure est grave bien sûr: mais du côté francophone aussi, quel message est envoyé à l’électeur, alors le MR et Ecolo ont aimé se détester durant des mois ?

La dernière option est la démission de Sophie Wilmès. Le gouvernement retomberait en affaires courantes, les parlementaires pourraient alors dissoudre le Parlement, avec accord du gouvernement. Pour ensuite arriver à de nouvelles élections dans les 40 jours, que personne ne souhaite, sauf les extrêmes.

La chute est connue. Reste à voir atterrissage.

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