‘Faute de centrales nucléaires, la Belgique aura l’un des réseaux électriques les plus polluants d’Europe en 2030’

Le plan énergétique belge ne ressemble à aucun autre en Europe. Au lieu de diminuer les émissions de CO2, notre pays sera contraint de les augmenter. Et cela à cause de la fermeture des centrales nucléaires. Notre électricité pourrait posséder l’une des plus fortes empreintes écologiques de l’Union européenne, selon une étude du groupe britannique Ember.

La sortie du nucléaire en Belgique est prévue officiellement pour 2025. Les différents réacteurs vont fermer, chacun à leur tour. Notre pays doit donc trouver de nouvelles sources d’électricité. Le projet se base principalement sur la construction de nouvelles centrales au gaz, via le mécanisme de rémunération (CRM) afin d’assurer la sécurité d’approvisionnement.

Les sources d’énergies renouvelables se développent trop lentement en Belgique pour prendre le pas sur l’énergie fossile. En 2018, elle ne représentait encore que 13% de la production d’énergie. Cette part doit être doublée d’ici 2030, mais la lasagne politique belge ralentit la transition. Le gouvernement fédéral a par exemple peu de pouvoirs sur l’éolien et le solaire terrestre, car les compétences appartiennent aux Régions.

Au vu de ce projet, le groupe de réflexion britannique sur le climat Ember conclut que, dans 10 ans, la Belgique serait, après la Pologne, le pays avec la plus grande part de production d’énergie fossile. Le problème est que les centrales au gaz produisent beaucoup plus de CO2 que les installations nucléaires. On est donc loin de la neutralité carbone voulue par l’Union européenne à l’horizon 2050.

‘Alors que ses voisins de l’UE éliminent progressivement l’utilisation des combustibles fossiles, la Belgique est en passe d’avoir l’un des réseaux électriques les plus polluants d’ici 2030. À moins qu’elle ne parvienne encore à augmenter les investissements dans les sources d’énergie renouvelable’, explique Charles Moore, chercheur principal d’Ember.

‘Ce rapport ne prend pas encore en compte les ambitions de ce gouvernement, mais il souligne l’importance de ces ambitions’, se défend la ministre de l’Energie, Tinne Van der Straeten (Groen), sur Radio 1. Toutefois, le gouvernement De Croo n’est pas encore clair sur les solutions concrètes pour limiter les émissions de CO2.

CRM or not CRM

Le mécanisme de rémunération des capacités (CRM) est actuellement sur la table de la direction générale européenne à la concurrence. Le projet pourrait en effet rentrer dans la législation sur les aides d’État illégales. Ce sera le cas si le CRM n’est pas considéré comme indispensable pour assurer la sécurité d’approvisionnement en Belgique.

Pour la ministre de l’Energie, Tinne Van der Straeten, la Belgique fera face à de nombreux soucis d’approvisionnement lors de la sortie finale du nucléaire. La CREG affirme, au contraire, que la réserve stratégique, qui a été créée pour éviter les coupures d’électricité lors des fortes demandes, suffira à compenser la fermeture des centrales nucléaires.

Savoir réellement les besoins d’électricité en Belgique dans les 10 prochaines années est un calcul fastidieux. Il se base, entre autres, sur la demande lors des hivers les plus rigoureux des dernières décennies, mais aussi sur la possibilité que les centrales françaises capables de nous fournir en électricité soient indisponibles.

Si l’autorité de la concurrence européenne prend le parti de la ministre, le CRM sera autorisé. Si, au contraire, elle écoute le CREG, les subventions pour les nouvelles sources d’électricité seront considérées comme illégales. L’État belge devra alors réfléchir à un nouveau plan.

Conserver les centrales

Une des solutions serait de prolonger Doel 4 et Tihange 3, les deux réacteurs les plus récents, qui n’ont pas été, contrairement aux autres, prolongés de 10 ans (en 2015). Ce prolongement aiderait la Belgique sur deux points :

  • Il permet de conserver une sécurité d’approvisionnement en électricité si le CRM était rejeté ou ne permettrait pas de financer assez de nouvelles installations.
  • Il limite le nombre de centrales au gaz, ce qui évite une trop importante hausse des émissions de CO2. Selon Emper, il y aurait 45% en moins d’émissions de CO2 que dans le scénario d’une sortie du nucléaire.

Même si le gouvernent a réaffirmé sa volonté de sortir du nucléaire en 2025 lors de sa formation, il conserve cette porte de sortie, en cas d’urgence. Les ministres se laissent jusqu’à la fin 2021 pour décider d’un prolongement ou non des centrales. Maintenir en service ces deux réacteurs pendant encore 10 ans va toutefois demander des travaux de grande ampleur. Pour Engie, il faudrait déjà une décision avant la fin 2020, mais il n’est pas sûr que les autorités de la concurrence aient fini de se pencher sur le dossier d’ici moins de 2 mois. Difficile de prendre une décision pour le fédéral tant que son plan principal n’aura ni été invalidé ni totalement validé.

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