Une bouée de secours lancée grâce à un stablecoin. L’opposition politique vénézuélienne a réussi à verser 18 millions de dollars au nez et à la barbe du gouvernement Maduro pour soutenir les soignants du pays.
Tous les soignants ne combattent évidemment pas la pandémie à armes égales. Au Venezuela, en l’absence d’équipements de protection ou de produits de désinfection, les conditions se montrent désastreuses. À cela s’ajoutent la pression du gouvernement autoritaire de Nicolas Maduro et les sanctions américaines, exacerbant la dimension économique de la crise sanitaire.
Mais afin d’aider financièrement médecins, infirmiers et autres prestataires de soins, l’opposition politique a trouvé dans les cryptomonnaies un stratagème pour accéder aux fonds vénézuéliens gelés sur des comptes bancaires aux États-Unis, relate le Financial Times.
Du dollar digital insaisissable
La mécanique repose d’abord sur une subtilité géopolitique : Washington considère comme chef d’état du Venezuela non pas Maduro mais son opposant Juan Guaido, président autoproclamé depuis 2019. L’argent public confisqué par les autorités US revient donc théoriquement à Guaido.
Il fallait ensuite, pour rassurer le Trésor américain, trouver un moyen de garantir que les fonds parviendraient réellement aux soignants. Sans que cela soit intercepté par le régime de Caracas ou les innombrables créanciers qui réclament une compensation pour les promesses non tenues et les biens expropriés au cours des 22 dernières années de régime révolutionnaire.
Transférer les fonds via le système bancaire vénézuélien était dès lors exclu. C’est là que l’entreprise américaine Circle, spécialisée en actifs numériques, est entrée en jeu.
Circle a mis en place un moyen de paiement utilisant le stablecoin USDC (US Dollar Coin), une cryptomonnaie adossée au billet vert, pour se soustraire au contrôle du président Maduro exercé sur le système financier national. En pratique, l’argent était déposé sur des wallets créés sur la plateforme de paiement mexicaine Airtm.
Les bénéfices d’un « Internet libre »
Médecins et infirmières n’avaient plus qu’à s’inscrire sur le site d’Airtm pour recevoir leur aide financière.
Pour l’anecdote, les autorités vénézuéliennes avaient bloqué Airtm mais les soignants sont parvenus à accéder aux services en utilisant les VPN de la société canadienne TunnelBear, qui leur a offert ses outils estimant que « les travailleurs de la santé méritaient de bénéficier d’un Internet ouvert et sans censure ».
L’histoire ne nous dit pas encore si les bénéficiaires ont par la suite subi les affres du gouvernement Maduro puisqu’ils devaient transférer leur paie sur leurs comptes bancaires locaux et les convertir en bolivars pour pouvoir les dépenser.
En somme, l’entourage politique de Guaido a indiqué au FT que le montage crypto avait permis de mobiliser 18 millions de dollars et de rémunérer plus de 60.000 médecins et infirmières. Oui, cela représente un peu moins de 300 dollars par personne. Mais dans un pays où le salaire officiel minimum n’atteint pas les 3 dollars, ce genre d’aide s’avère précieux.