La dernière crise financière remonte à il y a cinq ans. Pourtant, il ne faut pas espérer que nous ayons appris de nos erreurs, écrit Jean-Marc Vittori dans le journal économique français Les Echos. « Les crises financières viennent de notre refus d’envisager des risques pourtant bien réels». Aujourd’hui, il y a trois bonnes raisons de douter que nous ayons appris quelque chose du passé, explique-t-il :
- La nature humaine passe plus de temps à éviter la dernière crise que d’empêcher une nouvelle.
- Les banques centrales ont inondé le marché de liquidités (Geert Noels : «Les marchés financiers ne sont plus agités parce qu’ils sont en overdose de morphine monétaire d’une certaine manière, ce qui les prive de toute sensation de douleur et leur permet de tout voir à travers des lunettes roses. »), ce qui a sans doute dissimulé des vulnérabilités et créé de nouveaux déséquilibres. Ainsi, la politique d’injection de liquidités initiée par la Réserve fédérale américaine après l’éclatement de la bulle Internet a favorisé la formation d’une bulle de crédit indésirable, qui est à l’origine de la crise des subprimes.
- Enfin, le monde n’a jamais été aussi endetté qu’aujourd’hui, alors que l’histoire nous indique que toutes les crises du passé ont eu pour origine une dette exagérée. Selon la Banque des règlements internationaux (BRI), les 44 plus grands pays cumulent aujourd’hui une dette de 160 000 milliards de dollars, soit 235 % du PIB. (Et ce montant ne prend pas en compte les dettes issues du refinancement interbancaire).
Lorsque la banque Lehman Brothers a fait faillite, la dette était inférieure à 200 % du PIB. En outre, le ralentissement de la productivité globale désinhibe le développement de richesse qui devrait permettre de rembourser ces dettes.
Pourquoi est-il si difficile de prédire les crises financières ?
Vittori cite Jaime Caruana, directeur général BIS, pour expliquer pourquoi les crises financières ne sont pas facilement prévisibles :«Chaque crise a été permise par une incompréhension collective qui a créé un angle mort sur le risque ».
Au début des années 1980, Walter Wriston, l’ancien patron de la banque américaine Citibank, avait déclaré que « les pays ne font pas faillite» (L’Argentine lui a donné tort). D’autres décideurs ont fait des déclarations similaires : « Les produits structurés notés AAA ne peuvent pas faire faillite » (songez à la crise du crédit des subprimes) ou « Un pays avancé ne peut pas faire défaut » (pensez à la Grèce, l’Irlande et le Portugal).
« Les experts ne cessent de chercher la source de la prochaine crise », affirme Vittori, rappelant qu’actuellement, c’est la dette des entreprises et des étudiants américaine (la dette des étudiants américains atteint maintenant le niveau de ceui du subprime en 2007), celle des pays émergents, celle de l’Europe de la périphérie, et celle des petites banques chinoises, qui inquiètent (En 10 ans, les crédits octroyés aux entreprises par les banques secondaires en Chine a progressé de 66 % du PIB). Et de conclure : « Au fond, c’est plus facile que de traquer les fausses représentations du réel ».