Comment une expérience psychologique semble avoir réussi à rajeunir des personnes âgées

L’idée selon laquelle la vieillesse est synonyme de fébrilité et de perte de mémoire est tellement ancrée dans notre compréhension culturelle du vieillissement qu’il peut être compliqué de séparer les réalités médicales des préjugés au sujet des plus vieux d’entre nous, écrit Lauren F Friedman sur Business Insider.

Selon la psychologue d’Harvard Ellen Langer, les conditions sociales peuvent favoriser ce qui peut apparaitre à tort comme les conséquences logiques du vieillissement. « Après tout, les personnes jeunes, non séniles, oublient aussi souvent des choses », explique Langer.

« Combien d’effets néfastes du vieillissement pourraient-ils être manipulés et supprimés par une intervention psychologique ? »

Langer et son équipe ont décidé de répondre à cette interrogation en 1979 via une expérience radicale. Les résultats obtenus ont été particulièrement surprenants. Cependant, la recherche était peu orthodoxe, disposait de peu de moyens et manquait de rigueur scientifique. Dès lors, les résultats doivent être interprétés avec précaution.

L’étude

Imaginez-vous un instant dans une maison de repos pour personnes âgées. Votre nourriture est servie à la cafétéria, vous disposez d’horaires fixes pour les loisirs et vous êtes entouré d’autres personnes âgées, la plupart inconnues. On vous a volé votre autonomie et peut-être même votre identité. Ces deux choses sont ce qui rattachait le présent à votre passé. A présent, plus personne n’attend quoi que ce soit de votre personne.

Peu importe votre âge, vous n’êtes pas dans un environnement qui favorise l’épanouissement des personnes, précise Langer. Selon celle-ci, s’il était possible de placer les personnes au sein d’un meilleur cadre psychologique, un environnement associé à une version plus jeune de leur être, leurs corps pourraient peut-être suivre plus facilement.

Etant donné que la psychologue n’était bien entendu pas en mesure de renvoyer les personnes âgées dans le passé, elle a décidé d’introduire leur passé dans le présent. « Nous avons cherché à recréer le monde de 1959 et nous avons demandé aux personnes de vivre comme elles le faisaient 20 ans auparavant », explique-t-elle dans son ouvrage « Counterclockwise ».

Pour cette étude, huit hommes de 70 ans ont été emmenés en camionnette dans le New Hampshire. Certains d’entre eux étaient courbés à cause de l’arthrite, d’autres utilisaient des cannes. Lorsqu’ils ont passé la porte de l’immeuble réservé pour l’expérience, ils sont entrés dans une faille spatio-temporelle. Ed Sullivan accueillait les invités sur le poste de télévision noir et blanc, d’anciennes mélodies résonnaient dans la radio de collection. Tout dans le bâtiment, y compris les livres et les revues traînant sur les étagères, évoquaient l’année 1959.

Il a été demandé à une partie des seniors de ne pas uniquement parler de la manière dont les choses se déroulaient à cette époque. Les participants du premier groupe, le groupe de contrôle, devaient également se comporter comme s’il s’agissait réellement de cette époque. L’autre groupe devait, par contre, évoluer au sein du même environnement mais sans agir comme si l’action se passait des dizaines d’années auparavant.

Les participants ont parlé d’évènements historiques comme si ces nouvelles avaient lieu présentement. En outre, aucune disposition rappelant leur état physique affaibli n’a été prise. Personne ne portait leurs sacs. On ne les a pas aidés à gravir les escaliers et ils n’ont été à aucun moment traités comme des personnes âgées. Il n’y avait aucun miroir, pas de vêtements modernes ni de photos à part quelques clichés lorsqu’ils étaient plus jeunes.

Une semaine plus tard, les deux groupes ont montré des améliorations sur le plan physique en ce qui concerne la dextérité manuelle, la démarche, la posture, la perception, la mémoire, la cognition, la sensibilité du goût, de l’ouïe et de la vision, explique Langer dans son livre.

Selon la psychologue, ces améliorations étaient davantage significatives chez les personnes du groupe qui devait vivre comme en 1959. 63% d’entre-elles ont obtenu de meilleurs scores aux tests d’intelligence réalisés à la fin de l’expérience par rapport aux tests du début de celle-ci. Quatre personnes bénévoles qui ne savaient rien de l’objectif de l’étude ont examiné des clichés des participants du groupe de contrôle, antérieurs et postérieurs à l’expérience. Selon les bénévoles, on apercevait sur les photos prises à la fin de l’expérience des personnes deux ans plus jeunes que sur les photos réalisées au début.

Conclusions

Le dernier jour de l’étude, les sujets qui semblaient si fragiles au début de l’expérience ont dû participer de manière improvisée à un match de football sur la pelouse. « Nous avons de bonnes raisons de croire que si vous le voulez, vous vous sentirez comme en 1959 », avait dit Langer, avant de commencer la partie, aux participants.

« Lorsque vous croyez que quelque chose va vous affecter d’une manière particulière, cela arrive souvent », explique Langer. « Vos propres attentes et celles des autres sont puissantes. Les attentes concernant le déclin des capacités cognitives et physiques de la vieillesse sont omniprésentes ».

Pour Langer, cette expérience démontre le pouvoir de l’esprit sur le corps. « Un nombre important des conséquences de la vieillesse peut être déterminé par l’environnement et inversé par des manipulations sur celui-ci »

Langer a souvent évoqué cette expérience. Ses découvertes n’ont jamais été publiées dans des revues scientifiques ou reprises par des collègues professionnels. Seule la télévision en a fait écho. Actuellement, ses travaux n’ont toujours pas été présentés à la sphère scientifique. Elle a publié certaines choses mais à part cela, elle n’a pas autrement agi comme une scientifique, indique Business Insider.

Même s’il existe beaucoup de raisons d’être sceptique à propos de son expérience la plus célèbre, les découvertes de Langer restent convaincantes en ce qui concerne la perception de la vieillesse, par exemple, la prise de conscience du moment présent et le rôle de l’effet placebo. Son étude a aussi apporté la preuve des bénéfices de s’assurer que les personnes âgées gardent un certain degré d’indépendance et de liberté au fur et à mesure qu’elles vieillissent.