En février, le Parlement européen a demandé aux pays membres de calculer les revenus provenant d’activités illégales incluant la prostitution, la production et la consommation de drogue. Après l’Italie, l’Espagne et la Suède, la Grande-Bretagne vient elle aussi de décider de prendre en compte les produits de ces activités pour le calcul de son produit intérieur brut (PIB).
Selon le journal The Guardian, les statisticiens britanniques ont conclu que cette économie souterraine générait à peu près la même contribution au PIB que l’ensemble de l’agriculture du Royaume-Uni mais qu’elle était toutefois légèrement inférieure à celle des éditeurs de presse et des maisons d’édition cumulés.
Ne disposant pas des données réelles, compte tenu que les prostituées et les dealers ne mentionnent pas les revenus générés par leurs activités sur leur déclaration de revenus, l’Office for National Statistics (ONS) s’est résolu à calculer lui-même cette contribution, et pour ce faire, il ne s’est pas embarrassé de détails. Il a procédé comme suit :
Selon les estimations de 2009, les 60.879 prostituées du territoire britannique ont « traité » avec 25 clients par semaine en moyenne, chacun s’étant acquitté de 67,16 livres par visite. Avec cette méthode de calcul, on aboutit à un produit de 5,3 milliards de livres.
Le calcul des revenus liés à la consommation de cannabis n’a rien à envier à celui de la prostitution sur le plan de l’approximation : les experts statisticiens britanniques ont estimé qu’il y avait 2,2 millions de consommateurs de cannabis au Royaume Uni en 2009, et qu’ils avaient dépensé plus de 1,2 milliard de livres pour se procurer leur drogue. Ils ont pris pour hypothèse que la moitié du hachisch correspondant avait été cultivé dans le pays, occasionnant des coûts de production de 154 millions de livres. Les ventes combinées de cannabis, d’héroïne, de cocaïne (poudre), de crack, d’ecstasy et d’amphétamines ont été évaluées quant à elles à 4,4 milliards de livres.
Ces deux catégories font donc ressortir un supplément de PIB de 9,7 milliards de livres, soit 0,7% du PIB britannique.
« L’ONS travaillera dans les prochains mois pour mettre à jour ces données dans les prochains mois. Les chiffres seront alors inclus dans la catégorie générale des dépenses des ménages dans la rubrique « biens et services divers », comme les produits d’assurance vie, les produits de soin personnel et les services postaux », explique l’agence de statistiques britanniques. « On ne sait pas si l’ONS va payer ses agents pour qu’ils mènent leurs diligences dans les bordels, ou qu’ils organisent alternativement des sessions « en intra » dans les bureaux de l’agence », ironise le blog financier Zero Hedge. « Ce qui est clair, en revanche, c’est que bientôt, le plus gros pourvoyeur marginal de « croissance » en Grande-Bretagne, mais aussi dans tous les autres pays d’Europe, seront des activités autrement réputées illégales », ajoute-t-il.
En février de cette année, le journal The Times avait noté que la Grèce avait déjà tenté d’améliorer la présentation de ses comptes au moyen d’un artifice comparable. En 2006, elle avait tenté de réviser ses statistiques en incluant la prostitution, le blanchiment d’argent et d’autres activités illégales, ce qui avait abouti à augmenter brutalement le PIB de 25%. A l’époque, Bruxelles avait rejeté cette méthode. Cependant, en 1995, la législation européenne avait été modifiée pour inclure la comptabilisation de la prostitution et du trafic de drogue à partir de 1998, mais cette loi n’a jamais été appliquée.
Au printemps dernier, le parlement européen a relancé le débat, réclamant la mise en place de ces principes. Désormais, les États membres ont jusqu’en septembre pour les appliquer.
Toutes les activités illégales ne sont pas incluses, cependant : seules les transactions qui font intervenir deux parties de leur plein gré sont prises en compte. Le trafic de drogue et la prostitution sont les deux principales activités visées. En revanche, les vols ne seront pas compris.
Certains se demandent pourquoi la France ne s’est pas laissée tenter par ce nouveau mode de calcul du PIB. « Pour une fois qu’on pouvait booster la croissance … », écrit Marc Fiorentino de MonFinancier.com.