Comment l’Arabie Saoudite utilise son pétrole comme une arme politique

« Ayant travaillé à Washington pendant près d’une décennie, j’éprouve une totale aversion pour les théories du complot. Mon expérience, c’est que l’erreur humaine et la faillibilité expliquent bien plus de choses. Mais j’ai finalement trouvé une théorie du complot à laquelle je peux souscrire : l’accord secret chuchoté entre les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite sur la géopolitique de la politique énergétique me semble être bien réel», écrit le Docteur John Hulsman, un spécialiste de politique internationale sur le site de City A.M.

Il rappelle que le cours du baril de pétrole est maintenant inférieur à 80 dollars, son point le plus bas depuis 4 ans. Un cours aussi bas soulève des questions. Pourquoi l’Arabie Saoudite n’a-t-elle rien fait pour juguler cette baisse? Le pays pourrait limiter sa production pour stabiliser les cours mondiaux de l’or noir, afin de mieux s’adapter à l’affaiblissement de la demande en Europe et en Asie, et tenir compte de l’arrivée du pétrole de schiste américain sur le marché.

Pour Hulsman, deux hypothèses pourraient expliquer l’inertie des Saoudiens :

  • Soit ils suivent la règle de John D Rockefeller, qui, lorsqu’il était confronté à un nouveau concurrent, continuait de pomper frénétiquement pour faire baisser les cours, afin d’étouffer le nouvel arrivant en l’empêchant de réaliser des profits. Une telle stratégie pourrait être destinée à tuer dans l’œuf les producteurs de pétrole de schiste américains. En effet, ces derniers ne réalisent des bénéfices que lorsque les cours dépassent 80 dollars le baril, en raison des lourds investissements qu’ils ont réalisés pour leur exploitation. Comme les Saoudiens détiennent d’importantes réserves de pétrole, ils pourraient supporter sans problème un cours aussi faible pendant plusieurs années.
  • Mais plus vraisemblablement, ils reproduisent ce qui s’est produit dans les années 1980, lorsque Riyad avait signé un accord secret avec le président américain de l’époque, Ronald Reagan, pour détruire l’Union Soviétique. Cette hypothèse est d’autant plus plausible que John Kerry, le secrétaire d’Etat américain, a rencontré le roi Abdallah de l’Arabie Saoudite le 11 septembre dernier. D’après des rumeurs, ils auraient conclu un accord qui prévoirait le maintien de la production actuelle pour étrangler l’Iran, l’ennemi juré des Saoudiens. Les Américains seraient également gagnants, parce qu’au cours de ce processus, les Iraniens pourraient être contraints de conclure un accord avec Washington sur la question du nucléaire. De plus, les Américains et les Saoudiens feraient d’une pierre deux coups, en nuisant à la Russie à laquelle ils sont tous deux opposés, les premiers sur la question de l’Ukraine, et les derniers, parce qu’elle soutient le régime de Bachar el-Assad en Syrie.

Selon le FMI, les Saoudiens réalisent un bénéfice sur leurs ventes de pétrole lorsque le cours du baril dépasse les 84 dollars. Mais pour les Russes, ce seuil est fixé à 100 dollars, et pour les Iraniens, il s’établit à 153 dollars, ce qui signifie que ces deux ennemis des Saoudiens subiront les conséquences nocives de la faiblesse des cours avant même que celle-ci n’affecte l’Arabie Saoudite, compte tenu des immenses réserves du pays.

Enfin, les Saoudiens ont rappelé au monde qu’ils demeurent une force sur laquelle chacun doit compter, en particulier l’Administration Obama. Sur ce point, ils espèrent bien convaincre Obama d’intervenir davantage qu’il ne le souhaiterait en Syrie.