« Le système d’électricité belge incite les politiciens locaux à allumer les lumières la nuit. La consommation d’électricité se traduit par des bénéfices pour les services publics d’électricité, des sociétés de distribution et de l’Etat. Ces derniers versent des dividendes aux municipalités locales, qui détiennent des parts dans ces sociétés. Et bien sûr, des salaires et des jetons de présence aux politiciens locaux qui siègent aux conseils d’administration. »
Ainsi s’exprime Peter Reekmans, l’ancien bourgmestre de Glabbeek, dans une interview donnée au New York Times. Le journal se demandait pourquoi la Belgique est bien plus lumineuse la nuit que les pays voisins. C’est ce qu’a révélé une photographie prise de la station spatiale ISS et publiée au mois de mai. La Belgique apparaissait en haut à gauche de l’image, sous un halo de lumière. “Quelle en est l’utilité ?” s’est demandé un utilisateur de Facebook sur la page de l’astronaute Thomas Pesquet.
L’Europe aussi offre de belles aurores boréales, du – au N. Au 1er plan #Berlin & derrière la Belgique se distingue comme toujours nettement pic.twitter.com/Hgef0Q4ikT
— Thomas Pesquet (@Thom_astro) May 9, 2017
Politicien est aussi une profession lucrative en Belgique
La Belgique est le seul pays en Europe qui laisse la quasi-totalité de ses 2,2 millions de lampadaires allumés toute la nuit. De ce fait, notre pays est l’un des champions du monde de la pollution lumineuse.
L’explication officielle est que cela permet d’augmenter la sécurité routière et dans les villes. Mais cette explication ne convainc pas tout le monde. Les critiques pointent la relation mutuellement avantageuse entre les politiques, les entreprises de distribution et Electrabel.
« Ce n’est qu’un ramassis de ‘conflits d’intérêts internes’, qui permettent aux politiciens de contrôler l’éclairage public, » d’après Reekmans, qui est l’auteur du livre « De Vlaamse ziekte » (‘La maladie flamande‘), sur l’écheveau des intercommunales. « Cela contribue également à rendre le métier de politicien assez lucratif en Belgique », affirme l’homme qui soutient la Lijst Dedecker.
“Il existe pas moins de 10.000 mandats rémunérés, selon lui, dans des conseils d’administration d’entreprises de services publics – pas nécessairement uniquement dans le secteur de l’électricité. Avec 7 gouvernements, 6 parlements, 10 gouvernements provinciaux, 589 municipalités et des centaines d’intercommunales, l’Etat belge est devenu si complexe que les structures opaques passent facilement inaperçues.”
Selon le professeur Eric De Keuleneer, un expert dans le domaine du marché électrique belge, le secteur est rempli de portes tournantes, qui permettent à des anciens travailleurs d’Electrabel de se faire recruter dans des entreprises de distribution ou même auprès du régulateur public, et vice-versa.
Depuis 2010, la facture d’électricité moyenne a aussi augmenté de 40 % dans notre pays, le double de ce que l’on constate dans le reste de l’UE.
“La Belgique a les prix d’électricité les plus élevés de l’Union Européenne. Pourtant le pays tire la plus grande partie de son énergie de ses centrales nucléaires, une source d’énergie économique. »
Notre pays se classe également parmi les plus grands consommateurs européens d’électricité. Nous nous retrouvons derrière des pays tels que la Norvège, la Scandinavie et l’ Islande, où le climat est beaucoup plus froid.
Un coup de fil et une pression sur un bouton
Le journal a également interrogé le conseiller municipal d’Anvers Koen Kennis (N-VA). Il gagne 10 000 $ par an en tant que directeur du réseau Eandis. C’est l’un de ses 35 mandats.
Lorsqu’on lui a demandé pourquoi la ville d’Anvers laissait 95 % des ses lampadaires allumées la nuit, Kennis a répondu qu’il travaillait dur pour réformer de l’intérieur l’enchevêtrement des agences et réduire le nombre mandats. Mais il a tout de même admis qu’un appel passé chez Eandis suivi d’une pression sur un bouton suffiraient pour éteindre les lampadaires d’Anvers.
Mais pour le moment, les lumières restent allumées, en particulier le long des routes locales. Ainsi, même à 400 kilomètre d’altitude, la Belgique reste bien visible de nuit…