En 2015, le Japon comptait 127 millions d’habitants. En 2065, il n’en aura plus que 88 millions, soit une baisse de 39 millions en 50 ans. C’est ce qu’indiquent les chiffres du National Institute of Population and Security Research.
Il y a quelques mois, le Premier ministre japonais Shinzo Abe espérait encore être en mesure de ralentir le déclin de la population du pays pour les 50 prochaines années, et de la stabiliser à 100 millions de personnes. Mais les statistiques que Tokyo a publiées cette semaine et qui viennent du National Institute of Population and Security Research, qui fait partie du ministère japonais de la santé, sont sans appel : l’objectif d’Abe est tout simplement infaisable.
Le taux de natalité du Japon oscille entre 1,35 et 1,44 enfants par femme, très en deçà des 2,07 enfants théoriquement nécessaires pour assurer le remplacement de la population, et donc, son maintien.
Le Japon et le vieillissement
L’année dernière, pour la première fois de l’histoire, moins de 1 million de bébés sont nés au Japon. Il n’y en avait jamais eu aussi peu depuis 1899. Dans le même temps, 1,3 millions de personnes sont décédées dans le pays.
Cette contraction est aussi accentuée par le vieillissement accéléré de la population. En 2065, près de 4 Japonais sur 10 auront plus de 65 ans, contre un quart aujourd’hui. Ce ratio pourrait se révéler être encore plus important si l’espérance de vie continue d’augmenter grâce aux progrès réalisés dans le domaine médical. Ainsi, les Japonaises pourraient avoir une espérance de vie de 91,3 ans en 2065, comparativement aux 80,75 ans que l’on observait en 2016.
Le gouvernement japonais est donc confronté à un défi impossible et il cherche des modèles et des ressources pour adapter la sécurité sociale et l’économie à ce déséquilibre. On estime qu’en 2065, il n’y aura qu’1,2 actif japonais pour financer chaque citoyen de plus de 65 ans. Aujourd’hui, le rapport est de 2,1 pour 1.
Le Japon en 2065: « Un type de société que nous ne connaissons que dans les films de science-fiction. »
« Petit à petit, mais inéluctablement, le Japon évolue vers un type de société dont les contours et les rouages ont seulement été envisagés dans la science fiction », a écrit Nick Eberstadt, un démographe, se référant à la dystopie de P.D. James, « Les Fils de l’Homme », dans laquelle l’auteure imagine un monde dans lequel l’infertilité progressive des hommes a conduit les femmes à promener des poupées dans des landaus, et où les rares enfants sont agressifs et antisociaux.
Le pays connait l’un des plus forts taux de suicide du monde développé. On assiste aussi à l’apparition de phénomènes tout à fait spécifiques. Il est par exemple possible de louer des « membres de la famille » pour s’en faire accompagner au mariage de ses amis ; l’industrie des robots de compagnie y est très florissante.
Des signes édifiants
Certains signes sont assez édifiants :
- Entre 1998 et 2008, le nombre de maisons abandonnées à Tokyo a augmenté de 60 % pour atteindre 190 000. A Osaka, il a augmenté de 70 %, et on dénombrait à 180 000. Il n’y a tout simplement pas assez de gens pour peupler ne serait ce que quelques-unes des 7,57 millions de maisons vides.
- En 2012, les ventes de couches pour personnes âgées ont dépassé celles des couches pour les nouveau-nés.
- En 2015, le pays comptait tant de centenaires que le gouvernement a décidé de renoncer à leur remettre un cadeau traditionnel – un “sakazuki”, un vase d’argent d’une valeur de ¥ 8,000, ou 60 euros – lorsqu’ils franchissent ce jalon de l’existence, et de le remplacer par un article moins coûteux. La population toujours vieillissante du Japon impose une charge supplémentaire sur le budget japonais déjà surchargé.
La crise de la population à venir au Japon sera d’un ordre tout à fait différent de celle que l’Europe – et dans une moindre mesure les États-Unis – devraient vivre. Bien que le vieillissement semble être un problème quasiment insurmontable pour nous, il n’est tout simplement pas comparable à ce qui attend le Japon.