L’inflation pousse à une nouvelle tendance chez les influenceurs : la « désinfluence »

Promouvoir d’onéreux produits sur les réseaux sociaux alors que ses abonnés éprouvent des difficultés à joindre les deux bouts provoque une forme de malaise chez certains influenceurs qui changent – pendant un temps et dans une certaine proportion – leur fusil d’épaule.

L’actualité : critiquer des produits de consommation onéreux et conseiller des alternatives meilleures et moins chères fait fureur chez les influenceurs.

Le détail : sur TikTok, des influenceurs beautés – connus pour vanter les louanges des produits qu’ils reçoivent des marques de maquillage ou de soins de la peau – exhortent leurs abonnés à réfléchir à deux fois avant de dépenser leur argent dans des cosmétiques à la mode, sous prétexte qu’ils sont partout.

  • Certains d’entre eux n’hésitent pas à cracher sur des produits iconiques, considérés comme intouchables, tels que les shampoings Olaplex ou le mascara Better Than Sex de Too Faced, rapporte l’Huffington Post US.
  • Le hashtag « Desinfluence » cumule plus de 164,2 millions de mentions sur TikTok.

L’inflation au cœur de la tendance

La tiktokeuse Alyssa Stephanie fait partie des influenceurs « engagés » dans cette démarche. Elle a posté plusieurs vidéos dans lesquelles elle dénonce des produits populaires et propose des alternatives plus abordables. L’une d’entre elles cumule 5,5 millions de vues.

  • Elle estime que les vidéos comme les siennes sont une réponse au contexte inflationniste. Le contenu doit s’adapter à ce que les gens vivent, estime-t-elle.
  • Tout le monde ne veut pas ou ne peut pas se permettre d’acheter un gloss à 30 dollars, alors que les prix des œufs ont explosé de plus de 60 % en un an.
    •  « Comme notre économie aux États-Unis a pris un mauvais tournant, les gens ont de moins en moins de revenus disponibles à dépenser pour leurs soins personnels », a-t-elle déclaré au média américain. « Donc, en proposant des options plus abordables, ou des dupes, je permets aux gens de se sentir encore parties prenantes des tendances en cours. »

Pour d’autres, la désinfluence permet de remettre en question la nécessité de se procurer ce nouveau mascara à la mode ou ce fond de teint qui fait soi-disant des miracles. Pourquoi chercher à remplacer les cosmétiques que l’on utilise déjà et qui nous correspondent parfaitement par un produit pseudo-révolutionnaire simplement parce qu’il est nouveau ou promu par des influenceurs ?

S’il est surtout question de cosmétiques ici, la réflexion peut évidemment s’appliquer à tous les autres types de produits : avez-vous vraiment besoin de ce nouveau smartphone, alors que le vôtre fonctionne toujours très bien ?

Un phénomène ancien influencé par le présent

Les critiques négatives de produits ne sont en réalité pas nouvelles. Les influenceurs beauté, mais aussi mode ou encore tech, le font depuis toujours, mais ils prennent souvent des gants ou ne parlent pas des articles qu’ils reçoivent et qui ne leur plaisent pas. Reste que les contenus de désinfluence semblent faire partie d’un mouvement plus large fortement lié au contexte inflationniste, comme l’a évoqué la tiktokeuse.

  • Pour le professeur de marketing Americus Reed II, cette tendance qui va à l’opposé de tout ce que représente l’influence n’est qu’une réponse naturelle qui s’inscrit dans une logique cyclique. « Ce que nous voyons souvent dans le marketing, qui est profondément intégré à la culture pop, est un pendule constant de tendance et de contre-tendance; un flux et un reflux tels que lorsque le sentiment d’un consommateur devient extrême, il y a une correction de trajectoire naturelle pour aller dans l’autre sens et vers le ‘centre' », a-t-il ainsi expliqué à l’Huffington Post.
  • Autrement dit, la culture d’influence s’autorégule et se corrige après des années de contenu hyper contrôlé et de manque d’authenticité.

Mais qui a ses limites

Cette tendance exacerbée va-t-elle se poursuivre et, surtout, survivre à l’inflation ? Difficile à dire. Les influenceurs pourraient rapidement abandonner leur position anti-produits onéreux pour éviter de se mettre les marques à dos.

Rappelons en effet que ce sont majoritairement elles qui les paient en partenariats ou en produits gratuits. Ne dit-on pas qu’il ne faut pas mordre la main qui nous nourrit ?

Mais les marques pourraient aussi finalement voir ce phénomène d’un bon œil, car le retour des influenceurs, mais surtout les réactions de leurs abonnés dans les commentaires, pourraient se révéler particulièrement intéressants pour leurs stratégies de marketing. Elles pourraient en effet tirer profit de la situation pour adapter leurs campagnes publicitaires.

Alors, phénomène de mode ou réelle prise de conscience ? Seul l’avenir nous le dira, mais on peut en tout cas parier que les vidéos vantant les mérites de produits de beauté auront toujours la cote, que ça soit sur TikTok ou sur YouTube. La beauté fait vendre.

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